PROTOXYDE D’AZOTE
En octobre, à Vigneulles-lès-Hattonchâtel, un ado de 15 ans a été retrouvé mort, près du stade de foot. Deux jeunes en quelques mois. « Le premier consommait du protoxyde d’azote dans un contexte festif, le deuxième avait une pratique addictive et isolée », nous explique Bruno Frémont, médecin légiste à Verdun qui a autopsié les deux corps.
Combien y a-t-il de victimes ? Sont-elles recensées ? « À force d’en parler, des parents me racontent qu’ils ont, eux aussi, découvert des aérosols et des ballons dans la chambre de leurs enfants, raconte le docteur, inquiet. Je pense que cette pratique est totalement sous-estimée par les autorités sanitaires. »
Contactée sur ce phénomène, la Direction générale de la santé n’a pas donné suite.
Yohan, lui, a succombé à un arrêt cardiaque. Ses parents ont découvert qu’il inhalait ces bombes de dépoussiérant depuis trois mois. Plusieurs fois la semaine de son décès, deux, le soir même. « Cette fois-ci, il est tombé net, raconte Nadine. Les pompiers ont essayé de le ranimer pendant une heure trente. »
Depuis, les questions tournent en rond. Pourquoi, comment ? Leur fils de 19 ans, en BTS, était un garçon discret, sans excès. L’autopsie l’a confirmé. Dans son sang, pas de stupéfiants ni même un verre d’alcool. Ses copains présents lors du drame, Daniel, le père, les connaît tous : « C’est une bonne bande d’amis », lâche celui qui a même été leur entraîneur de foot quand ils étaient petits.
Alors, il y a un mois, ils ont décidé d’alerter les autres parents. « Vous savez, nous sommes un peu morts avec Yohan, alors si on peut éviter qu’un autre drame ne survienne… » confient ils. Et ils ont créé un groupe sur Facebook, Association Yohan. « On en apprend tous les jours, un père nous a dit qu’il avait perdu son fils, il y a trois ans, au Canada. »
Le succès du protoxyde d’azote, venu d’Angleterre, est tel qu’il est devenu le troisième produit psychoactif le plus consommé chez les étudiants français, après le cannabis et le poppers, selon une récente étude de la mutuelle Smerep.
Contactée sur ce phénomène, la Direction générale de la santé n’a pas donné suite.
Ventes sur internet : l’Europe au sein d’un marché mondial
L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies –EMCDDA- (European Monitoring Centre for Drugs and Addiction) et Europol estime que les fournisseurs de l’Union européenne étaient à l’origine de près de la moitié des ventes de drogues sur le « darknet » entre 2011 et 2015. Il faut également souligner que si l’attention se porte souvent vers le « darknet », les médias sociaux et le web de surface ont un rôle non négligeable dans la vente de nouvelles substances psychoactives et de médicaments détournés de leur usage initial.
Dans ce contexte, l’EMCDDA attire l’attention sur les nouvelles substances associées aux benzodiazépines. 14 nouvelles benzodiazépines ont en effet été répertoriées par le système d’alerte précoce de l’Union européenne depuis 2015. La disponibilité de ces substances sur le marché de drogues illicites semble en augmentation dans certains pays. Or, ces substances jouent un rôle bien connu dans les décès par surdose d’opiacés (car elles augmentent le risque de dépression respiratoire), bien qu’il soit souvent négligé. L’EMCDDA s’inquiète également d’une possible augmentation de l’usage chez les jeunes et recommande la mise en œuvre d’enquêtes plus approfondies, une considération politique accrue et davantage d’efforts de prévention.
L’imagination de chimistes empoisonneurs, souligne le professeur Jean Pierre Goullé n’a pas de limite.
Provenant de marchés de gros situés en Chine et en Inde, puis importés en Europe où ils sont transformés, ces produits sont souvent proposés sur le marché comme des euphorisants légaux. Il est vrai que bon nombre d’entre eux échappent aux lois internationales en vigueur. Ils sont ensuite revendus en lieu et place des « drogues interdites » grâce à des stratégies de marketing sophistiquées et agressives, n’hésitant pas à infiltrer des réseaux sociaux et à s’attaquer aux plus jeunes. Parmi ces nouvelles drogues psychoactives, certaines sont proposées sur le Net comme de simples médicaments, voire sous les appellations les plus fantaisistes de « sels de bains », « d’encens », de « plantes médicinales », « d’engrais », « d’ecstasy », « d’amphétamines », de « cocaïne ».
Pour l’EMCDDA les nouvelles substances psychoactives sont toujours un défi pour la santé publique.
Les conséquences néfastes de leur usage sur la santé publique restent toutefois élevées. Avec l’arrivée en Europe d’opiacés de synthèse et de cannabinoïdes de synthèse, associés à des décès et intoxications aiguës, l’EMCDDA a procédé à l’évaluation des risques d’un nombre sans précédent de substances.
Les dérivés du fentanyl, tout particulièrement, sont un véritable défi pour les services de santé, les services répressifs et en termes de santé publique. Ces substances sont en effet efficaces à partir de très petites doses, faciles à transporter et à dissimuler.